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faut il vous l'emballer ?
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12 mai 2006

une actualité inquiétante

Salut,

Ci-dessous un texte fort de mon ami l'écrivain  Denys-Louis Colaux (Prix Emile Polak et le Prix Franz de Wever de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique). A reproduire, faire partager ou à publier ...

Sandro

Crimes racistes à Anvers, Belgique

Ce jeudi, un jeune homme armé, affichant visiblement, nous dit-on, son appartenance à l’extrême-droite a fusillé à bout portant deux femmes et un enfant. Il a choisi ses victimes en raison de leur couleur de peau. Cette brutalité sanguinaire empeste.

Ces crimes épouvantables appellent en premier ressort, à l’écart de tout désir de vengeance ou de surenchère violente, une désapprobation catégorique et unanime. Gens de bonne volonté, sortez de votre réserve. Manifestez-vous, faites entendre et connaître votre effarement, positionnez-vous pour la vie, pour le respect de la vie, rendez public votre refus de ces actes sacrilèges. Rien n’est moins utile que de dire son affliction devant un tel désastre, rien n’est plus indispensable que de protester publiquement. Devant une telle offense, le silence est immoral, il est coupable. Levons-nous pour professer le respect, pour le clamer, pour faire entendre notre total désaccord à ceux qui y ont renoncé. Administrons bruyamment, chaleureusement la preuve de la bienveillance de notre Etat à l’égard de l’Autre, - car l’Autre, infailliblement, un jour ou l’autre, c’est moi -, administrons patiemment, infatigablement la preuve de notre bienveillance individuelle, la preuve de notre refus obstiné de toute forme de ségrégation et de rejet. De quelque bord que nous soyons, dissocions-nous visiblement, audiblement, courageusement de ceux qui par ignorance, par faiblesse, par mépris, par dépit ou par dégoût commettent l’irréparable et l’ignoble. Affichons nos qualités, faisons valoir notre parole, notre sens de la justice et de l’équité, notre intransigeante considération pour la vie, ne craignons pas d’afficher ce qu’il y a en nous de noble, de juste et de généreux. Ouvrons-nous à la compassion. Opposons à cette tragédie un non catégorique. Dissocions-nous, faisons savoir que ceci s’est accompli contre nous.

Non, nous ne voulons pas de cela, nous ne pouvons admettre cela, cela nous blesse et nous trahit dans nos convictions, nous offense et nous meurtrit dans nos sentiments. Cela est indigne de nous. Nous valons mieux que cela. Nous voulons tous être protégés de cela.

De tels actes réclament aussi, dans un second temps, que notre société s’interroge en conscience sur les facteurs qui favorisent ces comportements crapuleux et indécents. Ils appellent une mobilisation solidaire, humaniste et consciencieuse. Rien n’est moins gratuit qu’une telle exécution. Repérons les souillures, les complaisances obscènes, les détraquements idéologiques et les détresses effroyables dans lesquelles fermentent de tels et inadmissibles crimes. Combattons-les avec ferveur, avec intelligence, avec obstination, sans céder à la haine, sans répondre au meurtre par un désir de meurtre.

Car aussi bouleversant que cela puisse paraître, c’est notre semblable qui est coupable de ces meurtres, notre semblable effroyablement corrompu, notre semblable terriblement avachi, notre semblable hideusement abruti, notre insupportable semblable. Un semblable désastreux et néfaste. Un humain monstrueusement coupable. Cette brute a dû penser qu’elle achetait une arme pour accomplir quelque chose. Misérable cervelle, tragique concrétion de haine, tant de vanité dans tant d’indigence, tant d’ignominie dans une caboche si étroite ! Nous sommes dans l’abominable mais nous demeurons entre nous. Peut-être faut-il que nous ayons d’abord conscience que c’est chacun d’entre nous que ce type a intolérablement mis en joue. Qu’il sache que chacun d’entre nous s’est senti visé ! Qu’il sache que son geste nous effraie et nous fait honte, qu’il nous empoisonne, qu’il nous détériore et nous humilie. Qu’il sache, ce sinistre être altéré, les réserves de mesure et de sagesse qu’il nous faut dilapider pour ne pas céder à la tentation des représailles ! Mais comment saurait-il ? Sa caboche est si farcie de haine et de fantasmes morbides qu’aucun espace n’y est ménagé pour le savoir. Dans quel épouvantable terreau d’aversion et de ressentiment ce flingueur a-t-il pris racine ? Qui sont ses congénères, ses mentors ?

L’épreuve de dépasser l’effroi s’impose à nous. Donnons-nous des moyens efficaces et légaux pour réfréner, endiguer et sanctionner ces effarants accès de xénophobie. Mobilisons-nous, réfutons la fatalité de la dérive. Identifions la plaie et employons-nous à sa guérison. Employons-nous à guérir plutôt qu’à amputer, engageons-nous et contraignons nos représentants à proscrire et à traquer sans relâche cette indignité. Attelons-nous à ce défi, il est immense. Il y a dans ce combat matière à donner sens à nos existences, à les faire culminer. Dire non ensemble, en nombre, prononcez un non majoritaire quotidien, inlassable, l’écrire, le hurler, le chanter, le danser, le peindre, l’attester dans les actes, voilà une grande cause qui réclame de la main-d’œuvre et des voix : engagez-vous, pesez sur le cours des choses. Il ne s’agit pas de se dissoudre dans une masse protestataire, de se perdre dans les indistincts flots d’ouailles d’une grand-messe humanitaire mais d’additionner des initiatives, de conjoindre des couleurs, d’unir durablement des déterminations individuelles, originales, différentes et capables de faire alliance pour affronter une menace. Il s’agit de faire en sorte que la diversité protège la diversité. Et que pour un crime odieux diffusé dans les médias on trouve cent, mille, cent mille cris d’épouvante, cent, mille, cent mille appels à la cohabitation pacifique, cent, mille, cent mille formes vivantes de cohabitation harmonieuse. Qu’une défaite soit toujours l’occasion d’un défi !

Que personne un jour ne soit en mesure de vous reprocher votre passivité, votre indifférence, votre lâcheté. Car c’est dès le premiers soubresauts de l’horreur qu’il importe de se tenir debout, fermement, et de dire non.      

Denys-Louis Colaux,

Ce jeudi 11 mai 2006, 23h00

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